lundi 18 mai 2009

Vocabulaire

-La Pologne? La Pologne? Il y fait très froid, n'est-ce-pas-me demanda-t-elle en poussant un soupir de soulagement. Car il y en a tellement maintenant, de tous ces pays, que le sujet le plus sûr dans une conversation c'est encore le climat.
-O gente dame- ai-je envie de lui répondre. Les poètes de mon pays écrivent en gants de fourrure. Je n'affirmerai pas qu'ils ne les enlèvent jamais; si la lune chauffe un peu, alors là, oui. Dans leurs strophes composées de cris à tue-tête, car rien d'autre ne saurait déchirer les hurlements de la bourrasque, ils chantent la vie paisible des pâtres des phoques. Nos classiques gravent leurs vers d'un glaçon d'encre sur des congères bien tassées. Les autres, les décadents, répandent des étoiles de neige sur leur sort malheureux. Mais quiconque veut se noyer, doit se tailler à la hache un trou dans la glace. O ma dame, ma gente dame.
Voilà ce que je veux lui dire. Mais j'ai oublié comment se dit phoque en français. Et je ne suis pas très sûre non plus du glaçon et de la congère.
-La Pologne? La Pologne? Il y fait très froid, n'est-ce-pas?
-Pas du tout- réponds-je, glaciale.

Wislawa Szymborska.

Je dédie ce poème à Perszing, un petit gars très bien.

1 commentaire:

blablatok a dit…

Drôle, piquante, séductrice, fine, élégante... le prix Nobel de Littérarture 1996 (97?) Wislawa Szymborska est une fabuleuse vieille dame indigne. Quand je serai grande je voudrais être elle.