vendredi 28 janvier 2011

Etagères


J'aime qu'il se passe plein de choses dans mes étagères. C'est pour ça que j'aime les étagères. Parce qu'on peut organiser des tas de rencontres sur les étagères. Des conciliabules, des débats.. Les objets conversent, les couvertures de livres se répondent, les couleurs, les mots.. Je suis sûre que les phrases font de l'échangisme quand on ne les voit pas. Les anti mémoires de Malraux s'incrustent chez Anaïs Nin, et Kessel se fait la malle dans le journal de Paul Morand. Par exemple. Oh le bordel!
Je pourrais rester des heures à contempler les étagères. Déjà parce qu'il y a l'idée d'étages. Donc de grimper. Donc de grenier. Donc de trésor. Ma pensée fait des bonds sur les étagères. Elle saute d'un pot de peinture à un bandeau, d'un bâton d'encens à un vieux vinyle, d'un globe terrestre (tiens c'est mieux que blog, le mot globe) à un santon, d'un bonnet marin à une carte postale du musée des Bozart de Bruxelles, d'un playmobil à un vase ming... période bleue. Limite je mettrai des étagères vides aussi. Entre les pleines. Et puis j'aime bien le mot étagère aussi. Parce qu'il est pas prétentieux comme mot. Il est plutôt ordinaire. C'est pas obséquieux. C'est pas un mot qui se la raconte. Il y a un petit côté province dans le mot étagère. On n'est pas place Vendôme.. On se sent tout de suite dans une pièce accueillante. Avec du parquet qui craque. Ou un plat qui mijote. De la lumière par les fenêtres. Et puis c'est très pratique pour poser. Poser le monde qui vit dans nos poches, nos sacs. Le monde qu'on transporte des magasins. Le monde qu'on rapporte de nos voyages. Ou le monde intérieur qu'on a dessiné, photographié. Et qu'on a encadré. Ce sourire dans le cadre rose. Ce regard bleu dans le jaune. Il y a une idée de rencontre, de fête improvisée que j'adore dans les étagères. Une incongruité possible. Un télescopage des genres. Un mélange. Une jouissance pour l'imaginaire. Et puis j'aime dire dans quel état j'erre.. (désolée il fallait que je la fasse...) Et c'est bien plus léger qu'une armoire lorraine. Même si je vénère les armoires. Pour d'autres raisons. (entre autre pour les portes qui grincent et pour l'odeur dedans et aussi parce que c'est has been les armoires... plus personne n'en veut... donc j'aime) Haan et les assiettes. Tout comment j'adore les assiettes... Etagère, étagère... Je voudrais juste le redire une fois. Etagère. Ah oui, j'aime aussi faire des répétitions. Exprès. 


Parfois ça afflue en masse dans mon cerveau, comme le sang dans les tempes. Et il faut que ça sorte. 


"Je n'ai pas d'adresse émail" (ma belle mère, 88 ans, à table...) (une adresse terre cuite ou porcelaine anyone?)

-On jouait au petit enfant perdu Oskar d'accord? J'étais le père et toi tu demandais des pièces dans la rue pour t'acheter à manger. 
-Ok.. Et après on gonfle des ballons de bautruche et on les lâche. 

Bienheureux les fêlés, car ils laissent passer la lumière. (M. Audiard)

C'est fantastique ce truc de réfléchir la lumière... Rien que le mot.. Ré-flé-chir la lumière (à la Luchini on le dit)


Oui les filles, vous pouvez faire un fondant au chocolat.. mais uniquement si j'ai le droit de lécher la casserole. (il faut savoir asseoir son autorité parentale.. sinon on est foutu)


*les étagères c'est exactement comme les planisphères (planisphères robe ou rideau de douche hein, je suis pas regardante) en fait. (je adorer les planisphères aussi)


* plaisir pour l'oeil.. l'inspiration me rentre par les yeux, s'engouffre dans mes poumons et m'oxygène. Oxygéner sa relation au monde grâce au regard.... 


Le bonheur dans lequel je nage... Cet immense sentiment de joie radicale d'exister. Aussi profonde et intense que mon désespoir parfois. Mais que c'est bon. Et là, maintenant, tout de suite je suis heureuse. 

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Les étagères, une invitation au voyage. Des objets, des mots qui sont autant de fenêtres ouvertes sur le monde.