jeudi 23 décembre 2010

Noyau




Mon noyau intérieur. Le planter. Et le laisser germer doucement. Je l'ai mis à l'abri du gel. Au chaud sous mon sein. Juste à côté de mon coeur. Quel arbre vais-je devenir? Un érable? Un acacia aérien aux épines féroces? Un chêne déjà centenaire? Un buis touffu? Un cerisier HLM à moineaux, mésanges, pies, merles, mouettes et grives?


Continuer à devenir, compulsivement ce qu'on est. Ne jamais cesser de cultiver ce désir, niché au creux entre les côtes...


Je reviens toujours à la musique sacrée. Toujours. (Leonard Bernstein tellement, tellement habité. C'est beau à pleurer. A pleurer.)


Et ce pauvre consul de Belgique qui se morfond dans sa tour de quinze étages à Shangaï... Enfin tout de même il n'exagère pas un peu ton consul? Non... Il n'exagère pas. Il est effectivement seul. Archi seul dans sa tour de quinze étages vides. Comme la majeure partie des buildings dressés tels des champignons dans une ville hallucinogène. Le miracle chinois... Une overdose collective de béton pour dresser des immeubles fantômes... C'est cinématographique et angoissant. J'ai des longs travellings qui me viennent, balayant des buildings, des baies vitrées, des ascenseurs feutrés peuplés de cintres vissés sur des câbles en acier... Des cintres assis, debout, penchés sur des dossiers...


On vous pose des questions et on n'écoute pas les réponses. Elles s'évanouissent en silence dans le flux des mots. Venant brasser les milliers de petits coquillages questions qui titubent maintenant dans la tête...  Assommés par les vagues mourantes au rivage. Le flux et le reflux du dialogue. Finalement, c'est étrange comme on soliloque. 


Sa marraine vit à Shanghai. Il vient de recevoir un mail. "C'est à combien de mètres de Rennes?"


En attendant mon sous-marin, tu crois que deux yaourts collés ensemble ça peut faire capsule insubmersible? Oui, je crois.


"Maman, il faut que je te lise un truc". Je soulève une paupière en avalant une gorgée de café. Tout le monde roupille. En culotte-tee-shirt à 8 heures du matin, son bouquin à la main, dans les escaliers... Elle se marre avant même de commencer. Quand le plaisir de la lecture donne aux enfants la joie croustillante du partage, c'est divin.


Ecrasée par la fièvre cet après-midi j'ai dormi. Pendant mon sommeil, j'écrivais avec une fluidité déconcertante. Le phrasé se déroulait sans heurt, dans une harmonie hypnotique et cela me procurait un plaisir béat. Il a fallu hélas que ma jambe paralysée et piquée au vif par l'engourdissement me réveille.  Ne me laissant que l'oubli en souvenir. Un verre d'eau renversé sur la gouache de mes mots. Pensées aquarelle. Ah... Je me suis consolée avec un efferalgant cru bourgeois 1986,  j'ai trinqué à mes illusions perdues, et j'ai tamponné ma perfection au torchon.


Ma chère, ma tendre, ma douce, mon amour d'imagination. Je t'en supplie. Je me jette à tes pieds. Ne m'abandonne jamais. Garde moi. Je te promets je vais m'occuper de toi comme personne. Tu vas voir. 
Tu vas voir ce que tu vas voir.


Je vais faire mon inspection générale de minuit passé. Je vais tous les regarder dormir. Les caresser du regard. Les boire. Les couver. Les adorer ces chérubins. Tiens? Mais que fait celui là couché au pied du lit de sa soeur? Roulé en boule comme un chaton. Je fonds. Mes petits cherchent la chaleur de la fratrie pour se consoler d'un vilain cauchemar.. sans oser me déranger.  


Et lui? Visage caché, enfoui, dans la chaleur, il prend le frais par les pieds. Ses deux grands pieds de Berthe dépassent de la couette hérisson. Je lui chatouille doucement les mollets qu'il gratte dans un mouvement réflexe. 


Les époux Arnolfini de Jan Van Eyck à la National Gallery de Londres. Ma stupeur devant ce tableau. Mon éblouissement. Un après midi froid de décembre sur Trafalgar Square. 
Et dire qu'à  Bruges en ce moment, il y a une expo sur les primitifs flamands... Pff... 


J'ai souvent regretté mes paroles. Rarement de me taire.

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